Abstraction [PV]

DATE D'INSCRIPTION : 16/07/2019

Abstraction

Les jours se ressemblent. Immanquablement. Cette quête que je me suis offerte me permettait de remplir ce vide dont j'avais pourtant l'habitude. Sauf que sans mes pouvoirs, je n'étais plus à même de jouer avec les émotions. Je n'étais plus à même de sonder les rêves et me laisser porter par eux. Cette prison n'était pas de chair mais d'esprit. Elle venait grignoter la psyché de tous ceux que je croisais, même si avec Hadès nous étions assez forts pour nous maintenir hors de ce flot. Le jour où la nuit s'éteindra n'était pas arrivé. Même si ici, plus aucun cycle ne semblait exister. C'était une bien belle façon de vouloir nous rendre fou, si notre raison ne nous avait pas déjà échappé depuis bien plus longtemps que cet endroit. Je voyais là la fierté des sorciers qui n'avaient agit que par peur. Les dieux ont toujours effrayés ceux qui ne croyaient pas au destin. Est-ce que j'y croyais moi-même? En partie. J'avais pu observer le monde depuis bien longtemps et il était comme une tapisserie que nous tissions avec l'aide du destin. Nos coups d'aiguille étaient ainsi parfois guidés et d'autres fois non. Tout comme mes pas dans cette immensité. Était-ce la bonne direction? Je ne le saurais qu'en croisant l'un de mes enfants. Qu'en constatant si la folie les avait emporté ou s'ils avaient su être à mon image. Forts et princiers. La nuit ne courbait l'échine devant personne. Quant à moi, je préférai mille fois rester droite, contempler et puis toucher. Du bout des doigts. Comme m'assurant de ce qui était réel de ce qui ne l'était pas. Une façon d'entrer en contact avec le monde qui faisait croire à tort que je pouvais être intéressée par autre chose que le contact. Celui qui nous rappelait que nous n'étions pas seuls sur cette terre. Comme nous ne l'étions pas dans cette fosse qui nous coupait de nos adorateurs. Et je savais que les miens étaient nombreux. Tout comme ceux acclamant la mort, autant qu'ils en avaient peur.

J'avais laissé mon roi pour arpenter une nouvelle direction. Nous aimions chacun vaquer à nos expériences. Nous n'étions pas un couple, mais des partenaires qui respectons notre liberté mutuelle. Un cadeau précieux quand on me connaissait. Je me laissais souvent captiver par les êtres que je rencontrais. Même si au final, c'était moi qui pénétrais en eux sans qu'ils ne s'en rendissent compte, mais sans chercher à les brusquer. Je savais être douce et patiente, autant qu'intransigeante. Le néant sait ainsi se faire clément, sauf quand il juge que ses frontières n'ont pas été respectées. Au sein de cet endroit, elles ne l'étaient certainement pas. Et bien que je ne sois pas à vouloir vengeance, je savais que si l'occasion m'était donné, je saurais atteindre les profondeurs et noyer ceux qui nous ont offensé dans leurs peurs. Pour le moment, je continue mon chemin, vêtue d'une longue robe blanche, serrée à la taille par une lanière de cuir brun. Mes bras sont recouverts d'un voilage que je maintiens d'une main tandis que j'avance sous le ciel changeant de ce monde qui ne respecte que peu de logique.

Je ne comptais ainsi plus les jours - ces derniers semblant sans fin - que j'arrivais dans une clairière parsemée de quelques roches. C'est là que j'aperçus une silhouette. Assise. Penchée sur elle-même. Plus ma vue s'habituait au clair obscur de l'instant, plus mon cœur sembla s'affoler. «Thanatos.» Un murmure qui fit tellement de bien à mes oreilles. Une murmure que tu n'avais pu entendre. Ainsi j'avançais, la joie aux lèvres, ma chevelure entourant mon visage et rendant mon regard plus percutant. La distance se fit miettes, jusqu'à ce que tu lèves la tête vers moi et que la clarté de mes ténèbres rencontre la profondeur des tiennes. Je percevais toute la tension qui se trouvait à l'intérieur de toi. Celle qui me rappelait comme cet endroit pouvait s'emparer de toute volonté en nous retirant pouvoir et but. Mon regard exprima compassion, avant que je ne sois assez proche pour venir frôler de la main tes cheveux. «Mon fils...Tu me sembles si démunis dans cet univers. Mais je suis là désormais.» Subtilité. Qui régnait sans arrêt dans nos échanges. Déjà je venais déposer un baiser sur ta joue. «Tu vas pouvoir me raconter ce qui accable tant ton cœur.» Tu parlais peu. La mort n'étant pas ce que les hommes voulaient ardemment fréquenter. Pourtant, tu étais l'un de mes enfants qui avait un regard sur la vie dénué de crainte et de faux-semblants. Tous s'enrichiraient à t'écouter.

DATE D'INSCRIPTION : 30/07/2019

Thanatos & Nyx

Abstraction

Paroles de Thanatos en #0033CC
Pensées en italique

La mort. Pour beaucoup, elle est la fin de toutes choses. Pour d'autres, elle n'est que le commencement avant une nouvelle éternité. Cette éternité est elle-même perçue de diverses manières par les mortels. Certains croient qu'ils vivront dans la joie, loin des pleurs et douleurs qu'ils auront connu de leur vivant. D'autres pensent l'inverse, qu'ils seront tous châtiés pour leurs crimes, aussi infimes soient-ils. Ce serait une erreur d'oublier ceux qui se persuadent que leurs actions seront pesées sur une balance selon qu'elles aient été bonnes ou mauvaises, et que le côté vers lequel cette balance pencherait déterminerait leur éternité.

Que de foutaises ! La mort ne faisait point de différence. Tous finiraient par y passer un jour ou l'autre, quel que soit son âge, ses richesses, son statut social. Qu'importe qu'il ait une famille à nourrir ou qu'il ait ôté des vies. La mort viendra toujours frapper à leur porte tôt ou tard. Et ils n'auront alors aucun moyen d'y échapper. Leur vie leur sera ôtée, qu'ils aient atteint leurs rêves ou non. Certes, certains l'accueillaient à bras ouverts, après une longue vie, aspirant à un repos bien mérité. Certains auraient préféré réaliser l'impossible : fuir la mort aussi longtemps qu'ils le pouvaient. Mais ils finissaient toujours par partir avec elle.

Présenté sous cet aspect, la mort semble sans coeur. Pourtant, elle ressent ses propres émotions. Des émotions différentes oui, mais pourtant bien réelles. Je me retrouvais plutôt bien placé pour le savoir. Après tout, n'étais-je pas moi-même l'une des incarnations de ce phénomène naturel ? Pour moi, la mort est ce qui rendait la vie si belle. La rendre si fragile. Voilà ce qui faisait sa beauté et devait nous pousser à toujours mieux la savourer. En profiter pleinement avant qu'elle ne s'éteigne, avant que je ne vienne séparer âme et corps.

Mais toutes ces histoires ne me concernaient plus. Ou plutôt m'étais-je vu contraint de les abandonner. Sans même m'avoir laissé le temps de m'y préparer, un phénomène étrange s'était produit. Je me souviens encore de ce jour, où je m'apprêtais à ôter une vie. L'homme s'apprêtait à tuer de sang froid une jeune enfant. Ô certes, il lui disait qu'il ne lui ferait aucun mal, mais l'expérience m'avait appris à reconnaitre le regard d'un tueur. La lame de ma faux siffla dans l'air et l'espace d'un instant, au moment où l'acier froid aurait dû atteindre cet homme, lui et l'enfant disparurent. Mon arme également. Je ne parvenais pas même à l'invoquer, même en y mettant toute mon énergie. Il ne m'en fallait pas plus pour comprendre qu'un puissant et horrible phénomène venait de se produire. J'avais erré un long moment, avant de rencontrer quelques autres membres du panthéon grec. Leurs récits me donna une certitude, la seule qu'il me reste aujourd'hui : nous avions été transporté par une quelconque magie dans une sorte d'univers différent, où nous étions tous privés de nos capacités surnaturelles.

Je ne peux plus propager la mort. Mon existence... Je ne sers plus à rien. Alors pourquoi être toujours en vie ?

Ces questions me taraudaient l'esprit sans cesse depuis cette découverte. Quel devait être le rôle de mon existence, moi, incarnation de la mort, ne pouvant plus ôter la moindre vie ?

Mes pas m'avaient guidé jusqu'ici. Cette vaste clairière qui semblait isolée du reste de ce monde infâme. En son coeur, un rocher se cachant à l'ombre d'un arbre. Végétal en bien triste état. Probablement ne donnerait-il plus jamais le moindre fruit.

Au moins as-t-il pu mourir lorsque son rôle s'était achevé...

Combien de temps étais-je resté assis sur ce rocher ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? La notion du temps m'avait filé entre les doigts. Mais après tout, était-il vraiment intéressant de compter les années sans raison de vivre ?

Je n'avais plus rien à faire ici. Alors pourquoi les Parques me maintenaient-elles encore en vie ? Ne leur étaient-ils pas possible de couper ce fil qui se tenait sous leur regard avisé ? Ou bien étaient-elles également victimes de ce terrible évènement ? Avaient-elles aussi perdu leurs capacités ?

Des crissement dans l'herbe et une ombre mirent fin à cet interrogatoire silencieux. Je relevais la tête pour découvrir l'identité de l'auteur de cette intrusion en ce lieu de solitude. Ayant gardé les yeux fixés au sol un si long moment, je mis quelques secondes à m'habituer à la clarté qui m'entourait. De la femme qui s'approchait émanait une force calme. A la fois puissante et douce. Des ténèbres accueillantes et chaleureuses.

Mère.

Depuis combien de temps ne l'avais-je point vue ? Notre dernière rencontre remontait à bien longtemps. Bien avant que nous ne soyons envoyés dans ce monde.

Alors que la distance la séparant de moi s'amenuisait à chacun de ses pas, je me relevais, me préparant à l'accueillir. Ses doigts frôlèrent mes cheveux. Ses lèvres prononcèrent quelques mots rassurants avant de se poser délicatement sur ma joue. Pour ma part, je me contentai de lui poser une main sur l'épaule. En apparence, je pouvais sembler bien moins chaleureux que ma mère, mais elle me connaissait. Et elle savait que mes émotions se trouvaient bien souvent plus fortes que ce que mon corps et mon attitude ne révélaient. Ces vies ôtées, ces âmes tourmentées. Voilà ce qui avait composé mon passé, forgé ma personnalité. J'avais rapidement appris à ne rien laisser paraitre, ni transparaitre. Mais elle, elle savait lire entre les lignes que les autres ne pouvaient voir. Comme toute mère connaissait d'instinct les sentiments de ses enfants.

D'abord toi, Mère. Comment te sens-tu ?

J'évitais certes la question. Ou tout du moins, je la reportais. Elle ne lâcherait probablement pas l'affaire. Mais en bon fils, je ne voulais pas l'accabler davantage si elle-même rencontrait des difficultés dans ce monde. Après tout, j'avais déjà suffisamment été égoïste ces jours-ci, me contentant de me questionner sur mon avenir, mon nouveau rôle et mes nouveaux objectifs. Mais je ne m'étais jamais interrogé sur les conséquences que pouvait déceler ce nouveau monde sur les gens qui me tiennent tant à coeur.

Tu as toujours été mon principal soutien. A mon tour de t'aider du mieux que je le peux...

Au moins cela pourrait-il me donner quelque chose à faire, me fournir de quoi m'occuper. Pensées certes toujours égoïstes, mais ô combien importantes ? Si je pouvais être d'une quelconque utilité pour elle, je n'aurais pas à hésiter. Elle mériterait que je fasse tout mon possible pour elle.

1157 mots

DATE D'INSCRIPTION : 16/07/2019

Abstraction

@WILLOW DEATHFANG aka Thanatos & Nyx

La vie dans la fosse m'avait paru bien vide. Par un bien heureux hasard j'avais eu la chance d'être en compagnie d'Hadès pendant des mois que je ne comptais plus. Mais la présence de mes fils me manquait cruellement. C'est ainsi qu'il était essentiel que chacun vaque à ses occupations. Que chacun parcourt ces terres pour retrouver un sens à sa vie. Mais avais-je réellement perdu le mien? Je ne le croyais nullement. J'avais toujours une sensation de sérénité intérieure, sans aucun doute du au fait que mes émotions ne m'étaient plus palpables. Pourtant mon cœur battait toujours dans ma poitrine. À chacun des battements c'était comme un rappel des pas que j'avais fait jusqu'à cet instant où je te retrouvais enfin. Plusieurs questions s'entrechoquaient en mon esprit. Comment allais-tu? La plus évidente à laquelle tu refusas tout de même de répondre. Cela me fit arquer un sourcil, subrepticement. Je n'appréciais pas que tu veuilles inverser les rôles. Je suis la nuit. Je veille sur le sommeil de tout mortel et immortel. Tu es mon enfant. La mort, la nuit éternelle. Une autre facette de qui je suis. Je continue tout de même de t'observer, tes gestes toujours plus en retenu que les miens. Tu avais beau te tenir droit et retenir tes émotions, je me doutais que l'absence d'objectif, de but dans cette vie, t'accablait plus que tu ne le laissais transparaître.

Je me reculais d'un pas, mon regard venant transpercer les abîmes des tiens de par leur éclat. «Crois-tu que cela sera si simple mon fils? Crois-tu que mes paroles pourront t'apporter la moindre solution à ton problème?» Trancher des vies, voilà ce que tu faisais. Mais aujourd'hui la mort était absente, devais-tu toi-même l'être? Comprenais-tu ce qu'elle voulait te signifier à travers ces mots? «Je me sens mieux depuis que je t'ai retrouvé.» Mieux. Pas totalement moi-même. Mes pouvoirs me manquent, mais surtout la possibilité de jouer avec les personnes m'entourant. Il y avait tellement peu d'êtres réellement intéressants, tellement peu qui avaient quelque chose à me raconter. Alors oui, cela m'agaçait, sans rien te montrer, que tu ne viennes pas répondre à ma question dans l'immédiat. Que tu me fasses languir alors même que je te connaissais et que je savais comme tu devais te sentir impuissant à ne plus pouvoir œuvrer. «De plus j'ai toujours été aux côtés d'Hadès...tu sais comme nous formons une fine équipe lui et moi.» Bien sûr que les rumeurs couraient sur le le dieu des enfers et moi-même, que cette amitié n'en était pas qu'une, qu'il y avait plus. Mais ce n'était pour autant pas quelque chose que je venais glorifier parce-que ma vie intime ne regardait que moi et mes partenaires. «Je suis sûre qu'ainsi isolé tu as du te poser bien trop de questions, n'est-ce pas?» Ma main vint caresser ton visage à nouveau, mes yeux ne quittant pas les tiens. «La vie a pu au moins te montrer une autre facette d'elle-même: nous ne contrôlons rien.» Une vérité pleine d'amertume que j'ai du moi-même intégrée. Ici je ne gouvernais plus rien...Je me retrouvais simple femme, malgré mes connaissances qui étaient gigantesques.

«Nous n'avons plus rien de notre divinité...ce qu'il nous reste sont nos liens et nos émotions.» Doucement ma main vint se poser sur ton cœur. Un organe que tu délaissais trop souvent à mon goût. Il était rare que tu t'éprennes de qui que ce soit...à moins que tu as ton jardin secret comme je possède le mien. Même si je savais toute la confiance que tu m'accordais, je n'en restais pas moins ta mère, une position qui ne prêtait pas aux confidences de ce genre. Du moins le supposais-je. «Mais cela ne veut pas dire que tu ne vaux rien. Tu as pris ton travail bien trop à cœur et c'est naturel vu ta fonction...mais nous en avons déjà parlé. Contrairement à tes frères et sœurs tu as de trop tendance à ne pas t'amuser...à ne pas vivre pour toi. Et si cette fosse était au final une opportunité pour que tu vives autrement? Que tu te laisses aller à sonder ton être et extraire ce que tu veux réellement?» Mon regard se faisait doux suite à ces paroles. Ce n'était pas un exercice évident que de déterminer ce dont on a envie. Ma main délaissa ton cœur, avant que je ne vienne m'asseoir également sur la souche de cet arbre, te laissant à tes réflexions et attendant à ce que tu me répondes.

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