Should we do it ? [ft. Curunnìr]

Le calme régnait tout autour de moi en ce début de soirée. Seules les vagues parvenaient à faire résonner dans mes oreilles un doux bruit, particulièrement paisible. Seules ces vibrations de l’air régulières empêchaient le silence de s’installer sur cette plage que j’avais découverte quelques jours auparavant. Ou peut-être il y a quelques semaines déjà, voire des mois. Après tout, la notion du temps qui s’écoule a-t-elle vraiment une quelconque importance lorsque nous sommes condamnés à vivre et à errer éternellement dans ce monde sans but dans lequel nous avons été envoyés de force ?

Je me tenais face à l’étendue bleue que me proposait la mer, admirant les reflets orangés du soleil qui se cachait peu à peu derrière la ligne d’horizon. Ces reflets, qui ressemblaient à des milliers de petites flammes dansant sur la surface de l’eau calme, faisaient naitre en moi de nombreuses sensations. Même en ayant été autrefois un dieu, depuis la perte de nos pouvoirs nous ne pouvions plus qu'errer ici et là, tels de simples mortels. Et devant l'immensité de l'océan, je me sentais tellement simple et insignifiant. Est-ce donc ceci que ressentaient les mortels ? L'impression de n'être qu'un grain de poussière dans cet univers interminable ? Si tel était le cas, nous aurions peut-être dû les considérer autrement lorsque nous en avions l'occasion, les écouter un peu plus. Leur partager ce que notre immortalité nous avaient permis d'acquérir comme expérience et connaissance. Mais cela leur aurait-il vraiment été bénéfique ? Probablement pas. Malgré cette connaissance et cette prétendue sagesse, nous ne menions pas une vie bien meilleure que la leur, la seule différence étant que nous nous sentions intouchables et irréprochables. Mais au fond, nous n'étions peut-être pas si différents les uns des autres. Combien d'entre-nous n'ont pas succombé aux charmes de ces simples mortels ? Peut-être était-ce là la clé ? Leur mortalité, leur durée limitée dans le temps, n'en rendait-il pas leur vie bien plus précieuse encore ?

Peut-être aurais-je dû passer plus de temps à les comprendre...

Chassant ces pensées avant que les remords ne s'emparent de mon coeur, je reportai mon attention vers l'horizon, où le soleil ne tarderait pas à disparaitre afin de laisser la place au domaine de ma mère. En parlant d'elle, je me demandais ce qu'elle penserait de ces petits rendez-vous sur la plage si elle venait à l'apprendre. Probablement serait-elle heureuse d'apprendre que je m'étais décidé à enfin m'ouvrir à d'autres personnes dans ce nouveau monde. Parce que oui, bien que j'ai découvert cette plage depuis quelques temps déjà, c'était également en ce lieu que j'avais fait une rencontre qui avait, peu à peu, changé ma vie. Ou tout du moins, ma vision de celle-ci.

Je ne saurais plus dire à quel moment le courant était passé entre nous. Peut-être était-ce le cas depuis le début ? Sinon, pourquoi nous serions-nous revus par la suite ? Pour tuer le temps, oui, peut-être.

Certes, cela fait beaucoup de « pourquoi » et de « peut-être » dans cette relation naissante, mais au moins étais-je certain d'une chose : quelque chose chez elle m'attirait, ou plutôt attirait ma curiosité. De nombreuses sensations naissaient en moi, bien plus étranges que celles que faisaient naitre cette étendue d'eau. Néanmoins, je n'arrivais pas à mettre de mots sur celles-ci.

Au loin, les nuages se noircissaient, non pas par manque de luminosité. Un orage semblait se préparer. Il nous faudrait probablement trouver un abri dans les quelques grottes naturelles situées un peu plus loin.

J'étais arrivé longtemps à l'avance au point de rendez-vous. Peut-être par impatience de la rejoindre. Il était donc normal que l'attente en devienne longue. Je ne pus empêcher un soupir de s'échapper de mes lèvres. Un simple souffle, las de ma propre attitude inexplicable.

Curunnìr, où es-tu ?