Promesse d'un autre temps

Elle trônait en ma main comme un joyaux dont je ne savais détacher mon regard, cette petite bouteille emplie de sable que Mara y avait posé. Laissant mes doigts la caresser doucement pour s'approprier la délicatesse de la chose. Jamais auparavant je n'avais croisé un être comme elle. Si pure en sa façon d'exister, si terrorisée par ce que je n'ai su encore trouver. Elle possédait une voix sublime qui m'avait donné cette envie folle de l'écouter, moi qui n'était pas particulièrement fervent de la musique. Remerciant en partie mon horreur des fêtes en général et mon amour de la tranquillité. Pourquoi avait-elle, elle, été en mesure de me donner cette envie de me laisser bercer par le son de sa voix? Pourquoi avait-elle été en mesure de me faire remettre en perspective tant de choses en une si brève rencontre? La combinaison de ce lieu et l'énonciation de fatalités à voix haute n'agressant que davantage mes pauvres nerfs déjà à vif bien que je conserve mon habituel calme face à qui poserait les yeux sur moi. Je ne savais réellement que faire de tout ceci, lui ayant simplement donné un nouveau rendez-vous dans quelques jours pour le simple plaisir de pouvoir discuter à nouvelle avec elle et espérer en apprendre davantage. Elle était, en un sens, rafraîchissante là où j'avais bien trop l'habitude des grosses têtes divines évoluant près de moi et était partiellement rebuté par la bêtise humaine. Elle n'était pas de ces créatures se croyant tout permis et tentant d'usurper un trône qui ne leur appartenait pas. Elle possédait cette faiblesse qu'elle avait pourtant dévoilé à mon regard comme si elle ne craignait pas de me voir voler cette peau de phoque l'enchaînant comme une esclave à qui la possèderait. Malgré mes aveux, même si je lui avais exprimé qui je suis et partiellement ce dont je suis capable. N'ayant pas élaboré plus que nécessaire à ce sujet pour ne pas l'effrayer à l'excès. Elle avait choisi, de son plein gré, de ne pas voir la malin en moi, mais plutôt un bien que je n'aurais jamais osé utiliser pour me désigner. Et je ne savais que faire, ne savait comment jauger de cette situation toute particulière qui arrivait, pour une fois, à réellement me sortir de ma zone de confort.

Jugeant bon de chercher des conseils en ce sens, j'ai décidé de me rendre à ce point de rencontre où je n'étais pas allé depuis plusieurs mois déjà. N'ayant pas eu la chance de trouver ce que je cherchais lors de ma dernière visite. J'eu besoin d'un moment avant de finalement m'orienter et voir le cercle de pierres se dessiner à mon regard, cherchant par la suite à atteindre la grotte où je fus plus qu'heureux de voir cette gracieuse vision qu'est Nyx se dessiner. Glissant la petite bouteille dans ma poche, merveilleuse invention à laquelle les mortels devraient un jour songer, je m'approches d'elle pour la rejoindre à mi-chemin. « Tu m'as manqué. » Posant à mon tour une main contre sa joue, je laisse mes lèvres trouver les siennes en une douce étreinte familière que je savoure je dois bien l'avouer. « 'Belles' n'est pas toujours le terme approprié pour les rencontres que je réalise malheureusement, mais je dois admettre avoir fait une intrigante rencontre que je peine à interpréter. » Mes mains trouvent ses hanches, ma bouche s'aventurant déjà en son cou que je parsème de doux baisers. « Et toi dit-moi, as-tu réussie à trouver tes enfants en ce monde? As tu réalisé de belles rencontres de ton côté pour t'être éclipsée si longtemps? » Non que la notion de temps soit réellement quelque chose à laquelle je m'accroche en général, faisant bon usage de mon éternité pour ne pas me prendre la tête outre mesure avec ce à quoi je suis habitué de toute façon. L'attente. Celle-là même que je me dois de réaliser face à Perséphone la moitié d'une année mortelle tout autant que celle me poussant vers la résultante d'une manigance à laquelle je laisse le temps de se placer.

Stériles, froides, distances, mortes, emplies de désespoir... tant de termes pour désigner ces terres où nous étions coincés, enfermés, et où nous avions pourtant su trouver une façon de nous aménager un certain confort en cette grotte trouvée par pur hasard. Une demeure à nous approprier là où tout semblait nous avoir été volé, où l'existence nous avait été subtilisée au profit d'une promesse de mort à venir. Si ce n'est de nos corps soumis à une douleur dont la mort ne peut nous délivrer, en notre esprit se laissant empreindre d'une folie certaine avec le temps qui passe. Celui qui ne m'a jamais importuné non et qui pourtant me donne envie de le compter en cet endroit ne serait-ce que pour pouvoir mesurer le ridicule de la chose. « Désolé que tu n'aies su trouver personne. » Et rares étaient les personnes face à qui je pouvais m'armer d'une réelle compassion, face à qui je pouvais réellement penser ce 'désolé' s'étant pourtant si naturellement échappé de mes lèvres caressant sa peau avec envie. Une si vieille habitude dont je n'ai nullement envie de me détacher, ne renforçant que davantage les propos que j'ai pu énoncer à Mara lorsque nous avons discuté. Il n'existe de réelle fidélité dans le monde divin, chaque dieu se créant son utopie de ce qu'il considère nécessaire à son existence. Et si certains avaient besoin de tout posséder, je ne voulais simplement pas embrasser la fatalité que l'amour en toute simplicité est quelque chose qui ne m'était pas destiné alors je compensais où je le pouvais de celle arrivant à faire frémir mon être d'un désir certain. Celle-là même dont la main trouva de nouveau mon visage, me faisant stopper mes gestes pour trouver son regard du mien. Admirant comme la représentation même de la nuit et du chaos possédait en guise de regard une hypnotisante clarté faisant merveilleusement contraste au si sombre de mes yeux fixant les siens. « Tu sais bien comme je peine à passer du temps loin de toi. » Puisque rares étaient ceux à égayer mes journées et encore plus rares ceux dont je me complaisais de la présence et savait en profiter afin de parler un peu pour briser le silence dans lequel j'appréciais tant me bercer. Nyx avait toujours été particulièrement agréable de compagnie, comme si nous nous complétions tous les deux en une amitié si particulière qui se devait d'exister. Laissant les mots couler entre nous sans que la mouche ne soit prise pour un petit rien et c'était ô combien agréable. Laissant les gestes et les contacts nous combler sans que pour autant il n'y ait de promesse à combler là où j'espérais encore voir mes espoirs avec ma femme se réaliser.

Sa main trouve la mienne et je suis sans l'once d'une résistance le mouvement qu'elle impose en direction de notre couche improvisée sur laquelle elle vient s'installer en toute cette splendeur qu'elle dégage si naturellement. Ne tardant à prendre place près d'elle en laissant s'échapper un bref soupire de contentement, m'abreuvant à l'essence même de cette familiarité nous faisant cruellement défaut en ce monde en perdition dans lequel nous sommes soumis de rester. Nous nous enlaçons telles deux pièces de puzzle trouvant leur complémentarité, mes doigts trouvant sa blonde chevelure pour les caresser d'une affection que je ne saurais feindre en sa compagnie. Mon corps pressé contre le sien en une silencieuse promesse qui trouverait bien sa finalité.

Fronçant les sourcils, je cherche, suite à son questionnement, la meilleure façon d'arriver à décrire le ressenti s'étant épris de moi en compagnie de la selkie. La meilleure façon d'exprimer en quoi elle m'a semblé si intrigante, si particulière en son entière façon d'être et d'exister. « Je crois ne jamais avoir croisé un être porteur de tant de bonté, de tant de pureté, depuis que le monde peut exister. Jamais chez aucun mortel et encore moins aucune divinité je n'ai su effleurer le bien comme on pourrait toucher un objet à proximité, mais elle n'est l'un ou l'autre. C'est une créature fort... intrigante oui. Elle a posé en moins une confiance aveugle et je n'ai su le comprendre, si effrayé qu'elle semblait être par ma simple présence. » Mes doigts quittent ses cheveux afin de trouver son bras et glisser jusqu'à sa main que je me complais à enlacer. « Elle m'a dit avoir peur des hommes et pourtant elle m'a touché même si je lui ai expliqué tout ce que je suis. Comment est-ce possible d'être à la fois si apeuré et pourtant si peu prudente avec l'inconnu qui clame haut et fort être le mal incarné? Comment a-t-elle pu ainsi me faire confiance au point de m'exposer si rapidement sa faiblesse? » Certains sont-ils réellement si stupides? Je ne peux m'empêcher de le penser même si elle m'a semblé être tout sauf stupide, Mara, lors du si bref échange que nous avons réalisé.

Mon regard reste fixement posé sur elle, mes propos énoncés et attendant désormais un avis sur cet événement triturant mon esprit sans doute plus qu'il ne le devrait. Pourquoi après tout une si brève rencontre devrait-elle ainsi échauffer mes pensées sous prétexte qu'il y a en cette jeune femme des choses que je n'arrive à comprendre même si je crois avoir réussi à cerner certaines vérités? Chose dont me fait douter Nyx de ses premières paroles me faisant bien malgré-moi froncer les sourcils. En quoi donc cette faiblesse pourrait-elle être sa plus grande force? En quoi donc cette chaîne dont elle ne peut se séparer, œuvrant au profit de celui qui en tiendrait l'extrémité, pourrait-elle être considérée comme une force à ne pas négliger là où je n'y voyais qu'une promesse d'esclavage face à toute âme mal intentionnée? Ce que j'aurais pu être, usant de cette proximité qu'elle a elle-même engendré pour subtiliser ce qui pourrait la contrôler. N'aurais-ce pas été un divertissement appréciable en cet endroit si morne? Si évidemment la chose était toujours aussi fonctionnelle qu'elle a pu l'être, ce dont je n'arrivais qu'à douter compte tenu de notre absence semble-t-il commune d'une quelconque forme de capacités. Pourtant, l'idée n'a pas même effleuré mon esprit bien davantage curieux d'en apprendre davantage sur cette douce bonté. En venant à cette seconde question que ma compagne a énoncée. Comment me sentais-je réellement en compagnie de la jeune femme et cette rousse chevelure dans laquelle je me devais de glisser les doigts, y retrouvant sans doute un peu trop la femme qu'en cet endroit je n'ai su retrouver. Était-ce parce qu'elle me rappelait en un sens Perséphone que je m'étais ainsi noyé dans son regard et ses propos en usant d'une calme distance dont je ne fais usage avec tout le monde? Était-ce parce que j'y voyais ce que j'avais espéré trouver en ma femme en ce jour où je l'avais guidé en mon enfer alors qu'elle cueillait si paisiblement quelques fleurs? Un enfer l'ayant perverti jusqu'à la moelle et pour ça je n'avais sans doute que moi à maudire. M'approcher de Mara plus amplement en ferait-il de même? Est-ce là ce que je ressentais? Cette crainte de voir tout ce que je touche se flétrir alors que l'exemple même du contraire se trouvait près de moi, me poussant doucement à trouver la couche de mon dos afin qu'elle puisse plus confortablement m'enserrer de ses hanches.

J'inspire fortement à son mouvement, ne tardant à poser mes mains contre ses cuisses tout en accueillant ses lèvres contre les miennes. N'ayant jamais pu résister à tout ce qu'elle dégageait et visiblement pas non plus au fruit de ses propos sur mon esprit simplement davantage tourmenté par tant de questionnements. Fixant son corps plus que son regard, dessinant ses courbes des doigts pour les occuper en me mordant la langue, simple réflexe qui ne m'échappe lorsque je suis embêté, je laisse quelques instants de silence passer avant de m'efforcer à ouvrir la bouche. « J'avais besoin de réfléchir. » Comme si cela n'était pas déjà d'une évidence cuisante. Un nouveau soupire m'échappe alors que mes doigts trouvent ses épaules pour les dégager et délicatement faire glisser sa robe contre sa peau d'une douceur à s'en damner. « Nous savons tous les deux que je suis loin d'être un exemple de bonté. Si je suis certes plus mature et respectueux, à l'occasion, que mes frères, cela ne fait assurément pas de moi un être d'exception méritant d'être ainsi considéré. Mon devoir est d'encourager la douleur de ceux souffrant de la perte d'un être cher, être le maître de leur enfer s'assurant que chaque jour de leur éternité sera d'une souffrance inégalée... et pourtant elle a dit vouloir prier pour moi pour pouvoir goûter à cet enfer qui est mien lorsque son jour viendra. Qui peut penser ainsi? Je vois de quoi l'enfer est fait tous les jours et elle ne pourra pas résister à la folie qui va irrémédiablement la submerger lorsqu'elle verra à son tour le monde des damnés. »

Mes mains continuent de la dévêtir d'une lenteur accablante, prenant le temps de redécouvrir ce que je connais pourtant par cœur. Ne voulant pas presser le temps alors que je ne l'ai pas vu durant de nombreux mois, bien trop de mois. Appréciant tout autant à chaque fois cette appréciable physionomie dont elle est dotée qu'aucune autre déesse ne peut se vanter de posséder. « Je ne peux pas me permettre de laisser un être comme elle ébranler quoi que ce soit en moi. Cette Mara... elle est simplement tout ce que je ne serai jamais et je crois simplement que cette contradiction si apparente attise ma curiosité. » Un faible sourire étire mes lèvres. « Le temps est si long sans toi, il faut bien que je trouve quelque chose pour passer le temps. » Essayer d'éviter d'affronter la réalité? Moi? Oh non jamais je n'oserais...

Le mouvement de mon pouce se fait mécanique contre sa cuisse alors que mon regard ne quitte le sien, fixant sa clarté de ma noirceur en réalisant de nouveau comme elle me connait si bien. Comme tout ce temps passé en sa compagnie à lui livrer les tréfonds de mon âme, à elle et elle seule, lui a permis de s'y faufiler comme nul autre être en ce monde. Comme si elle avait une porte ouverte sur ce que je me retiens de dévoiler à qui que ce soit d'autre qu'elle, cette faiblesse que je ne veux pas exposer au grand jour afin de ne pas perdre le peu de notoriété que j'ai été en mesure de me forger, mais elle sait. Elle constate que je suis coincé dans cette boucle éternelle me donnant ce sentiment constant que oui je crains que tout être un peu trop pur croisant ma route n'en vienne à être soumis à cette noirceur naturelle que je semble dégager comme une aura empoisonnant toute chaire que mes doigts pourraient effleurer. Nyx restant à ce jour la seule et unique exception en sa façon d'être la noirceur incarnée en tout ce qu'elle est et peut-être est-ce la raison même pour laquelle elle est la seule que je ne semble contaminer. La seule avec qui je préfère bien davantage me mettre à nu, dans tous les sens du terme, que présumer que j'en viendrai à la placer sur un chemin qui ne devrait pas être le sien. Elle est mon complément sans doute bien davantage qu'elle ne peut l'imaginer, ce que ses paroles prouvent sans mal. Des paroles que je soutiens du regard un instant avant de le détourner pour fixer ce galbe si agréable qu'elle affiche à mes yeux gourmands de les déguster davantage. Un simple mouvement qui exprime à lui seul qu'elle a raison même si je peine à l'avouer de mots. Elle a raison sur toute la ligne. Je crains oui de voir de nouveau mon cœur broyé si je me jète de nouveau corps et âme en cette chose à laquelle je m'accroche si ridiculement rapidement, pouvant poser les yeux sur une multitude de femmes sans ressentir la moindre émotion, mais ne pouvant les retenir lorsque mon regard accroche cette perle rare semblant sortir du lot. Celle qui sera différente, pure oui en sa façon. Comme si je n'étais destinée qu'à trouver la lumière pour en faire une obscurité, encré en moi sans que je ne puisse l'éviter. Condamné à voir mon cœur et mon âme se broyer pour l'éternité et n'avoir pour seule compagnie la mort que je ne pourrai jamais espérer. Destiné à souffrir sans savoir pourquoi ni comment le changer.

Malgré tout je souris finement en reportant mon regard sur elle, mentionnant en toute honnêteté comme oui, elle m'a manqué. Comme j'avais besoin de sa présence pour me combler et visiblement de son regard pour me rappeler que je ne suis pas le seul à laisser le chaos le dévorer. J'ai besoin d'elle pour ne pas m'égarer et ne pas me laisser couler dans le tourment, pour arriver à sourire ponctuellement et laisser mon esprit s'égarer sur plus agréable que mes sombres pensées. Le sait-elle seulement à quel point elle a cette importance non négligeable pour moi que nul être en ce monde ne pourrait remplacer? Je souris de nouveau à son commentaire, à ce baiser langoureux auquel je réponds sans la moindre retenu. Libérant mes doigts de leur mouvement pensif pour glisser mes mains contre sa poitrine alors que sa bouche trouve mon torse. Jouant minutieusement de ses mamelons avec délicatesse, fermant brièvement les yeux en laissant un grisant frissonnement secouer ma chaire. « On pourrait croire que parce que nous sommes des dieux tout devrait nous être offert sans concession sur un plateau d'argent, tout devrait nous être dû sans que nous ayons à le demander. Certains le pensent, certains en abusent, mais je vois plutôt en ce que plusieurs considèrent comme une opportunité un fardeau que nul être en ce monde n'aura jamais à porter. Une éternité entière à devoir admettre que les humains ont cette chance d'avoir l'amour éphémère de par leur mortalité là ou nous avons la malchance d'avoir l'amour éphémère sous prétexte que nous en venons à nous lasser. Jamais nous ne pourront être entièrement comblés, entièrement dévoués à une seule et unique personne pour la totalité de cette éternité. »

Et c'est une souffrance que je m'inflige de mon propre gré là ou tout le monde autour de moi semble déjà s'être fait à l'idée que le mariage n'est qu'un titre vide de sens qui en viendra à se faner comme tout le reste. Peut-être est-ce pour cette raison que Perséphone s'est entichée d'un humain après tout, peut-être est-ce pour cette raison que je devrais le faire également. Simplement pour avoir une raison de cesser d'aimer lorsque la mort viendra faucher ce cœur que j'aurai si minutieusement placé dans le torse de l'être aimé et qu'il ne restera que le souvenir à chérir lorsque je trouverai un autre réceptacle éphémère pour y poser mon palpitant. Même si cela ne les préserverais en rien de ce mal qu'ils en viennent inévitablement à dégager.

Soupirant, mes mains délaissent sa poitrine pour se glisser dans sa longue chevelure d'or, son cou, effleurant sa peau du bout de mes doigts et cherchant à caresser chaque once de cette chaire à ma proximité. Mes yeux fixant le plafond de notre abri de fortune, distraits. Mon corps appréciant la pression du sien à sa surface. « J'espère que tu sais que je ne supportai jamais de te perdre toi. »