Feeling like shit, but worse. || Ft. Irina

Le moteur du frigo se déclenche et sa vibration semble comme un tremblement de terre. Le son qu'il produit, bourdonne dans mes oreilles comme un scie sauteuse. La télé est éteinte, je ne la supportais plus, et la lumière qui transparaît à travers les vitres me bousille les yeux. J'ai froid. J'en tremble tellement je suis frigorifié, pourtant je transpire. Je transpire sur le canapé du salon. J'ai un couverture légère sur moi et... - Oh fuck... - Ça tourne encore.

Sachant que je resterais que quelques heures, j'ai décidé de dormir sur le canapé pour ne pas déranger la chambre que j'utilise habituellement. Alors lorsque j'ai quitté Youri, j'ai pris une douche et je suis venu m'allonger-là, la télé allumée et le volume bas jusqu'à m'endormir sans trop avoir à forcer. Je me sentais barbouillé, mais je me disais que c'était la fatigue... Sauf que lorsque je me suis réveillé à la suite d'un cauchemar, en nage et pris d'un vertige, j'ai pas été assez con pour continuer de croire que j'étais juste fatigué.

Moi qui pensais ne pas m'imposer plus que nécessaire, j'étais encore là, à moitié à poil allongé à même le carrelage lorsque Irina s'est levée. C'était avant d'avoir froid, quand je dégustais bouffée de chaleur sur bouffée de chaleur. Au moins, vu l'heure matinale et celle à laquelle il s'est couché, Youri est loin d'être réveillé. Je préfère ça. Pas envie qu'il me voit dans cet état, quoi que si je ne bouge pas d'ici, je n'aurais pas vraiment le choix.

Je suis désolé. - Dis-je à l'attention d'Irina, la voix rauque, affaiblie par mon état. On dit que les hommes sont de vrais loques quand ils ont malade... mais personnellement, je n'ai pas l'impression d'exagérer. On m'entendra pas gémir en tout cas. - Je sais pas ce qui m'arrive. J'ai dû choper une connerie... - Le corps malmené par les températures imaginaires qu'il me fait subir, j'ai dit merde à la bienséance assez vite. En caleçon, enroulé dans la couverture, je prends sur moi de me redresser. Cette position allongée ne m'aide pas... mais assit n'est pas beaucoup mieux non plus.

Les pieds qui touchent le sol expérimentent la fraîcheur du carrelage et bizarrement, ça me fait du bien. J'ai les jambes qui dépassent, ayant gardé la couverture sur mes épaules et autour de mon torse, tenue par mes bras croisés. Un frisson secoue tout mon corps et je serre les dents. Mais bordel, qu'est-ce qui m'arrive?!

Épuisée, vidée, c'est un peu ainsi que je me sens tous les jours depuis cette prétendue maladie qui n'était visiblement qu'un amas de signaux d'alarme de la part de mon corps tentant vainement d'expulser la vermine qui s'y était installée. Entre ça semblant boire à même la source de ce qui me permet de fonctionner et les tracas de la vie en général, je commençais à peiner garder le rythme. Tant de choses semblaient être soudainement tomber sur mes épaules sans que je ne sache comment arriver à tout gérer malgré cette façade de parfait contrôle que je m'appliquais pourtant à afficher. Je ne voulais pas qu'on voit comme je pouvais être ébranlée de tout ceci. Ébranlée de chaque doigt que j'en étais venu à couper pour me faire respecter. Ébranlée de chaque nouvelle journée à répondre aux questions de cette voix dans mon esprit cherchant visiblement désespérément une façon de retrouver celle qui semble avoir volé son cœur à un moment ou un autre de sa vie. Ébranlée de voir Youri grandir et ne plus savoir comment le protéger de tout ce que je peux lui cacher et me refuse à lui avouer même si je commence à me demander si ça ne serait pas pour le mieux. Tant de choses que j'essaie si désespérément de contrôler et que je vois pourtant me filer entre les doigts sans savoir comment les rattraper. Moi qui ai pourtant l'habitude de me débrouiller depuis ce qui me semble être une éternité. Une vie entière à chercher comment passer à la prochaine étape et escalader la montagne se dressant devant-moi dans le but de me stopper. Je les ai toutes surpassées, mais peut-être suis-je en cet instant arrivée à ce mont que je ne pourrai pas vaincre par mes propres moyens. Épuisée de réfléchir je le suis tout autant et la veille au soir j'ai laissé mon corps s'effondrer. J'ai pris une longue douche bouillante en faisant fit de tout ce que le dieu pouvait murmurer, laissant la chaleur me bercer avant de me glisser dans les draps de mon lit et me laisser sombrer plus tôt qu'à mon habitude.

La nuit a été bonne, réparatrice même malgré la fatigue matinale que je me devais tout de même de chasser. Enfilant une robe de chambre en satin rouge, j'ai emprunté l'escalier dans l'espoir d'aller me faire un café. Figeant plutôt au bas de la dernière marche en voyant le corps étendu de Wyatt contre le sol du salon, son torse se soulevant heureusement toujours. Pendant un instant j'ai eu peur, mais cette peur normale ne me quitte jamais de toute façon. Là encore, avec raison. Il s'excuse alors que je croise les bras et m'avance dans sa direction pour l'observer en haussant un sourcil, remarquant qu'il est en sueur et n'en fronçant que davantage les sourcils. « Hum. » Décroisant les bras lorsqu'il tente de se lever, réussissant de peine et misère à en juger par sa façon de se mouvoir, je le pousse finalement doucement en direction du canapé. « Couche-toi. Je reviens. » Le laissant-là quelques instants, je monte à la salle de bain pour aller chercher un thermomètre et des cachets. Sachant pertinemment que j'ai bien malgré-moi activé le mode 'maman' et qu'il devra faire avec. Surtout parce que je n'ai pas souvenir de l'avoir vu dans cet état depuis... oh très longtemps. *Il ne semble pas bien mieux que toi il y a quelques semaines.* Et je ne réponds pas parce que je ne veux pas même songer à cette possibilité, me contentant de redescendre pour aller m'asseoir près de mon ami en lui tendant le thermomètre et posant mon poignet contre son front. « Tu fais de la fièvre ça c'est certain. Tu aurais dû venir me réveiller plutôt que mourir sol sur le sol du salon. Ça a commencé quand? » Je pince les lèvres et sort des cachets pour les poser sur la table avant de me diriger vers la cuisine pour aller lui chercher un verre d'eau et le lui rapporter. « Pas de boulot pour toi aujourd'hui. »

Hum. - À l'évidence, je suis découvert. Elle fronce les sourcils et je réalise que rester au sol n'aidera surement pas, alors je tente de me lever. Tenter est le mot clé, bien sûr, car entre les courbatures et les vertiges, c'est loin d'être évident. Malgré tout, et avec son aide, je parviens à tomber dans le canapé. - Couche-toi. Je reviens. - Je pense pas que ce soit une bonne idée... - Avais-je dis, ou plutôt soufflé, alors qu'elle remontait à l'étage. Pas vraiment la force de dire quoi que ce soit, en fin de compte. De toute façon, elle ne m'aurait pas entendu.

La sensation du carrelage sous la plante de mes pieds me fait du bien, alors que mon corps tout entier à même le sol ne semblait pas changer grand chose. Peut-être la position horizontale? Tout tournait. Au moins, assis, j'arrive à ne pas trop tanguer. Irina finit par revenir et je ne tourne même pas la tête de peur de basculer. Enfin, sauf quand elle s’assoit avec moi. Elle me donne un thermomètre que je cale sous ma langue et son poignet vient se poser sur mon front. - Tu fais de la fièvre ça c'est certain. - Oh you think? Je ne dis rien bien sûr, je ne veux pas faire tomber le thermomètre ou m'en prendre une. - Tu aurais dû venir me réveiller plutôt que mourir sol sur le sol du salon. Ça a commencé quand? - C'te nuit. - Dis-je en tenant le tube de verre entre mes dents. - J'étais juste barbouillé, je pensais que c'était la fatigue. Puis ça a dégénéré. - Et en toute honnêteté, si je ne me souviens pas m'être allongé au sol, je suis presque sûr de savoir pourquoi je ne suis pas monté la chercher: peur qu'elle me voit malade et dans le besoin. Ouais, la fierté mal placé, c'est pas un cadeau.

Elle se lève pour aller chercher un verre d'eau et je m'adosse au canapé. - Pas de boulot pour toi aujourd'hui. - No shit, mom. - Lâché-je, le thermomètre toujours entre les dents, jusqu'à ce qu'elle revienne. J'échange verre d'eau contre tige de mercure et pendant qu'elle avise ma température, j'avale deux gélules. Une, puis l'autre, j'avale peu d'eau, mais m'hydrater me fait du bien. J'ai juste peur que mon estomac décide de la rendre, raison pour laquelle je n'en prends que peu. Ces vertiges pourraient le contrarier sans que je m'y attende, même si dans l'immédiat, je ne ressens aucune nausée. Seulement quelques crampes générales.

À regarder les choses dans l'autre sens, si j'avais été seul chez moi, je ne suis pas certain que je l'aurais appelée. J'aurais probablement essayé de me démerder tout seul. Bonne chose? Mauvaise chose? On l'saura jamais. - Merci. - Dis-je malgré tout, pour l'attention comme pour l'eau, que je bois par toute petite gorgée. En fin de compte, je suis assoiffé. - T'as bien dormir, au moins? Je ne t'ai pas réveillé en arrivant? - Faut dire qu'on a discuté un petit moment avec Youri.

No shit mom... Ce crétin. Je me retiens de lui donner une baffe derrière la tête pour ne pas empirer son état tout autant que parce que j'assume totalement de m'inquiéter pour lui. Youri et lui étant les deux seuls êtres en ce monde à ne pas pouvoir y échapper. Je me contente donc d'un fort soupire tout en reprenant le thermomètre pour le laisser engloutir les cachets qui, je l'espère, sauront arriver à au moins diminuer cette fièvre monstrueuse dont je tiens la preuve entre mes doigts en déglutissant. Ce n'est assurément pas bon signe... à moins bien évidemment que ce ne soit que le fruit de cette paranoïa nouvellement acquise face à tout ce que peut engendrer une fièvre en apparence bénigne. Ce qu'elle n'est peut-être pas, mais ça seul le temps sera en mesure de nous le dire. Seul le temps nous dira si je vais enfin lui avouer ce qu'il en est de moi et du dieu dans mon esprit. Non pas que je n'ai pas suffisamment confiance en lui pour le lui dire, mais qui ne me croirait pas folle de m'entendre scander haut et fort que je suis possédée par une divinité de la Grèce antique qui parle dans ma tête et arrive à faire des choses étranges? Et être internée est bien la dernière chose dont j'ai besoin dans ma vie. Enfin, ça et voir mon meilleur ami ou mon fils, voir les deux, dans la même situation que moi. Si Hadès semble être en mesure de se tenir un minimum, peut-être n'est-ce pas le cas de toutes les autres créatures pouvant désormais rôder dans les parages et me faire me demander si chaque personne sur qui je pose le regard est peut-être en fait un psychopathe nouvellement libéré.

Posant une main dans son dos, j'acquiesce vaguement de la tête lorsqu'il me demande si j'ai bien dormi. « Mon corps a eu raison de moi. Je ne t'ai pas même entendu entrer. Je suis tombée comme une roche hier soir. » Posant une main dans son dos par simple réflexe, le frottant un peu, je dépose finalement le thermomètre sur la table avant de me caler dans le canapé. « Les dernières semaines ont été éprouvantes, mais ça va mieux. » Et encore là, éprouvantes le mot est faible. *Il ne semble pas bien se porter du tout.* No shit... Tu crois que j'étais dans quel état lorsque tu es... entré en moi? Cette image me semble toujours autant dégoûtante. *C'est précisément la raison pour laquelle je m'inquiète.* Je fronce les sourcils à son commentaire. Inquiet? Lui? Pourquoi donc? *On ne sait pas qui serait en lui, ou quoi... Tous ne sont pas si... civilisés que je le suis.* Merci de me rassurer. *Je suis surtout réaliste.* Et un peu trop pour moi d'ailleurs.

« Qu'est-ce que tu faisais dans les environs? Un travail quelconque? Tu as... croisé quelqu'un de bien malade? » Que je poursuis finalement avant de me lever pour me diriger vers la cuisine et me faire enfin ce café dont je rêvais tant, même si réveillé je le suis de trop soudainement. « Et je ne t'offrirai pas de te faire à manger vu la tête que tu fais, mais si tu veux quelque chose dit-moi. » Qu'il ne s'avise surtout pas de faire mine de partir oui. S'il est pour être possédé à son tour, je veux garder un œil sur lui. Puis je vais craindre de le retrouver mort dans un coin si je le laisse partir. Les hommes et la maladie...

Les dernières semaines ont été éprouvantes, mais ça va mieux. - En quoi? Enfin, la mafia est aussi demandante que d'habitude, et c'est un état plutôt consumant, déjà de base. Ce n'est peut-être que ça. En tout cas, j'ai eu beau râler lorsqu'elle m'a dis que je n'irais pas travailler, sa main dans mon dos ne me tire aucun mot. Je ne peux pas nier trouver ça agréable, même si c'est à travers la couverture. Les mouvements, la pression que je sens a quelque chose de rassurant. Et quand elle fait ça, je ne peux pas ignorer mon corps qui se détend.

Qu'est-ce que tu faisais dans les environs? Un travail quelconque? Tu as... croisé quelqu'un de bien malade? - Un dépannage, ouais. Mais non, personne. Ça allait... jusqu'à ne plus aller. - Dis-je alors qu'elle se lève pour rejoindre la cuisine. Je n'ai pas souvenir d'avoir rencontré qui que ce soit de malade, mais après tout, les gens contagieux peuvent parfois ne montrer aucuns symptômes. Peut-être ai-je serré la mauvaise main, rien de plus con que ça. - Et je ne t'offrirai pas de te faire à manger vu la tête que tu fais, mais si tu veux quelque chose dit-moi.

Je tourne la tête vers elle, la gratifie d'un sourire forcé avant de m'affaler un peu plus sur le canapé. Le verre posé sur mon ventre est tenu par ma main tout juste serrée. - M'aider à monter dans la chambre, tout à l'heure. Ou à rentrer. J'veux pas que le gamin voit ça. - Lâché-je, le regard dans le vide. J'ai l'impression de sentir l'eau faire des cercles dans mon estomac. Sensation étrange. Tant que je ne la sens pas remontrer dans ma gorge, je suppose que tout va bien, non? - Pas envie de lui refiler cette merde. - Ajouté-je en réalisant ce que j'avais dis. Ouais, sauvons les apparences. Faudrait pas qu'on pense que j'ai des sentiments. D'autant que s'il doit être contaminé, c'est probablement déjà fais depuis quelques heures.

Ça allait jusqu'à ne plus aller... Une sensation bien trop familière qui me figea un peu en mes mouvements l'espace d'une seconde. Et si nous étions tous les deux coincés dans cette horrible situation, soumis à a volonté d'une créature qui ne sera peut-être pas des plus encline à nous laisser notre libre arbitre. Après tout, personne n'a parlé de tout ceci, ne l'a mentionné. Tout ce que les médias ont évoqué c'est une mystérieuse épidémie et personne d'autre n'a hurlé au monstre ou à la folie. Personne n'a parlé d'un taux élevé d'internement ou ne serait-ce que laissé supposé que des... créatures pouvaient ainsi se balader au sein des nôtres. Les sorciers en sont peut-être la cause qui sait, à titre de seuls êtres que j'imagine sans peine être en mesure de nous... détruire pour ce que nous sommes devenus. Du moins, si la théorie d'Hadès ne tient pas la route. Ce dénier présumant un peu trop aisément que les êtres dotés de magie seraient peut-être en cause de tout ceci puisqu'ils existaient déjà à cette époque où s'est réalisé le bannissement et qu'ils sont bien les seuls, avec les humains, à encore être de ce monde depuis tout ce temps. Un moment semblant bien long sans que nous n'ayons été toutefois l'un comme l'autre en mesure de réellement cerner l'époque et le nombre d'années. Suffisamment pour que l'adaptation me prennent réellement le peu d'énergie pouvant subsister en mon être à lui expliquer le fonctionnement de toute chose.

« Tu ne veux pas que Youri voit que tu n'es pas un robot et peux être malade toi aussi parfois? C'est vraiment ça l'exemple que tu veux lui donner, qu'il vaut mieux se cacher de la vue des autres lorsqu'on est malade? » Que je réponds finalement à son commentaire en soupirant, bien qu'il semble avoir essayé de rattraper le tout. Retournant près de lui avec mon café fraîchement coulé, je reprends place dans le canapé pour le fixer avant de poursuivre. « J'ai été malade, peut-être même de ce virus que tu as aussi, et pour le moment il se porte à merveille même s'il a tenu à s'occuper de moi. Je manquais de force pour le jeter en dehors de la chambre. Et si tu es malade par ma faute, il le sera de toute façon. Il est un peu tard pour ça... » Dis-je en faisant mine de rien, sachant plus que pertinemment maintenant que je n'étais en rien victime d'un virus et que contagieux je doute fortement que ce le soit. Ce qui me laisse donc présumer que s'il n'est pas dans la même situation que moi, il devrait être sur pied rapidement. « Je préfère encore qu'on lui montre qu'on s'occupe bien les uns des autres plutôt qu'il apprenne que je t'ai laissé partir dans cet état. Tu as une chambre ici de toute façon, il faut bien qu'elle serve à l'occasion non? Pour une fois, laisse-moi m'occuper de toi. »

Le grognement qu'elle m'inspire est loin d'être discret. L'exemple à donner... Quel exemple y a-t-il à tirer de cette situation? La meilleure façon de se rouler en boule et gémir? Je ne gémis pas, mais je déteste être une expression de faiblesse à portée du moindre regard. Et oui, je n'ai pas envie que Youri, plus qu'un autre, me voit ainsi. Ce n'est pas une question d'exemple, seulement de f... fuck. L'odeur du café joue avec mes entrailles.

T'as été malade y'a des mois, mais ouais. Si c'était contagieux... - Bah ça se saurait. Savoir que c'est peut-être la même chose n'est pas plus rassurant. Je sais juste que je me sens vraiment mal, le reste n'est pas vraiment important. Du moment que ce n'est pas létal, je m'en fiche. C'est juste quelques sales jours à passer, mais en attendant, il faut les passer.

Je préfère encore qu'on lui montre qu'on s'occupe bien les uns des autres plutôt qu'il apprenne que je t'ai laissé partir dans cet état. Tu as une chambre ici de toute façon, il faut bien qu'elle serve à l'occasion non? Pour une fois, laisse-moi m'occuper de toi. - Si je lui dégueule dessus, tu pourras t'en prendre qu'à toi-même. - Et qu'est-ce que j'aurais absolument détesté ça. Heureusement pour tout le monde, ce n'est pas arrivé. Pas une seule goutte de quoi que ce soit n'a reflué. Ni ce jour-ci, ni les suivants. Peu est entré, mais on sait que même vide, l'estomac a toujours de quoi se tordre.

J'en ai chié, je ne le cacherais pas. Et j'ai bien essayé de paraître à peu prêt stable en présence du gamin, j'ai vite été trop épuisé pour maintenir la moindre façade. Quand le monde ne tournait pas, quand la migraine ne me terrassait pas, je parvenais à dormir. J'ai enchaîné médicament sur médicament, ne quittant le lit que pour une régulière douche froide ou un passage aux toilettes. Faudra cramer les draps, parce que j'ai sué toute mon eau là-dedans. Au moins, on aérait la chambre, mais je dois admettre que le moindre son extérieur me faisait mal au crâne. Sans parler de la lumière. Alors on a pas ouvert tant que ça.

Une semaine, que ça a duré. Les trois premiers jours ont été les plus durs. Les plus... handicapants. Les suivants ont été plus gérables, même si désagréables. J'ai bien voulu rentrer chez moi lorsque j'ai réalisé que ça allait un peu mieux, mais Irina s'y est opposée. Prétextant qu'elle préférait m'avoir à l’œil, juste au cas où. Alors, en toute logique, je suis resté. Petit à petit j'ai pu manger, par petite quantité, avec prudence. Bref, j'ai doucement retrouvé pieds et si mon corps me parait encore faible à ce jour, il est malgré tout sur la bonne voie.

Bordel que le bacon m'a manqué. - Lâché-je en fourrant ça dans ma gueule ouverte. Petit-déjeuner. Irina et moi avons investi la cuisine, lèves-tôt alors que Youri scie encore du bois à l'étage. Le bacon, ouais. Et les œufs. Et le pain. Mais surtout le café. C'est probablement le premier repas que je fais, depuis une semaine, durant lequel je ne ressens pas la moindre tension quelconque. J'ai l'impression d'être revenu à la normale, et mon appétit en est bien la preuve. Je suis affamé. Mais après tout, j'ai une semaine de jeûne à compenser.

Des mois, déjà? Le temps m'a semblé passer si rapidement depuis les dernières semaines que je n'ai pas même eu l'impression de voir les dits mois s'écouler, pas eu l'impression de voir le temps passer. Je me sentais bien trop figé dans cette stase hurlant à mon esprit que chaque jour serait peut-être le dernier et qu'à l'heure actuelle je n'agissais certainement pas de façon à en profiter. J'avais plutôt activé le mode 'inquiétude' que je tachais habituellement laisser de côté pour ne pas laisser quelque chose de trop filtrer dans mon attitude et mes discussion avec Youri. Aspirant tant le laisser loin de tout ceci et ayant pourtant pilé sur mes précautions pour lui montrer l'endroit où je dissimulais quelques billets dans la bibliothèque, en cas de besoin. S'il devait m'arriver quoi que ce soit. S'il devait nous arriver quoi que ce soit. Après tout, personne ne pouvais prévoir comment tout ceci allait se terminer alors que je, et assurément d'autres personnes, me trouvais confrontée à un élément hors de mon contrôle. « Je me blâmerai pour tout. » Que je lui réponds lorsqu'il mentionne que je ne pourrai m'en prendre qu'à moi-même s'il lui vomit dessus. Charmant.

Vomir, il ne l'a pas fait durant cette trop longue semaine où je ne pouvais m'empêcher de tourner en rond dans ma chambre à chaque soir en me demandant si lui aussi entendrait une voix dans son esprit lorsqu'il commencerait à mieux se porter. Si lui aussi il partageait désormais son corps avec une entité quelconque. S'il deviendrait un danger pour Youri ou même pour moi. C'est tout ce qui semblait m'importer, savoir, bien que j'essayais si fortement de ne pas laisser transparaître l'inquiétude cuisante m'habitant lorsque j'allais le voir pour lui donner des médicaments ou m'assurer que tout allait bien pour lui. Enfin, au mieux qu'il pouvait se porter. Il restait mon meilleur ami, la personne en ce monde en qui j'avais une confiance aveugle en toutes circonstances, et je ne pouvais pas me résoudre à simplement le laisser souffrir sans lui accorder la moindre attention. Je ne pouvais pas le laisser enfermé dans cette pièce toute la journée sans y jeter un coup d'oeil et profiter du fait que je me portais mieux que lui et que je lui étamperais mon autorité dans le visage que ça lui plaise ou non. Je l'avais cloué au lit chez moi et je comptais bien lui faire respecter la maîtresse de maison durant cette semaine. Une semaine. C'est réellement ce que ça a duré. Tout comme pour moi. Une semaine.

*Les similitudes sont difficiles à ignorer.* Je sais... Je le sais trop bien. Je ne veux pas imaginer... *Et bien, j'imagine que s'il y a une quelconque raison de le présumer nous ne tarderons pas à le savoir.* Un long soupire s'extirpe de mes lèvres alors que je l'observe manger son petit-déjeuner avec une passion qu'il serait difficile de feindre. « Tu sembles te porter réellement mieux ce matin. Plus de symptômes? De fièvre? Quoi que ce soit? » Que je demande avec une pointe d'inquiétude, toujours, même si je m'efforce de sourire. Et qu'est-ce que je suis supposé faire s'il y a quelque chose en lui? *Respirer, avant toute chose. Sans doute chercher à trouver de qui ou quoi il s'agit. La population de cet endroit où nous nous trouvions était plutôt imposante et diversifiée alors je ne pourrai assurément pas l'identifier d'une semble mention.* Rassurant. *Ce qui est rassurant, c'est que s'il y a quoi que ce soit je suis là et je suis en mesure de vous protéger toi et ton enfant.* Je me racle la gorge et me détourne pour terminer de préparer mon assiette et prendre mon café avant d'aller prendre place près de Wyatt. N'arrivant à me débarrasser de cette boule dans mon ventre. Comment le pourrais-je alors que j'expérimente ça? Alors que je sais ce qu'il peut se produire. Bon sang... faites que ce ne soit qu'un vulgaire virus par pitié.

Tu sembles te porter réellement mieux ce matin. Plus de symptômes? De fièvre? Quoi que ce soit? - La bouche pleine, il me faut déglutir pour répondre. Et le son dans ma gorge n'a vraiment rien de bien correct. On m'excusera. - Plus rien. Je suis juste courbaturé de partout. C'est comme si j'avais rien eu. - Et au fil des secondes, j'ai l'impression que mon état continue de s'améliorer. Ou peut-être me suis-je simplement habitué à être malade? - Enfin, je sens que j'étais mal encore hier, hein. Mais c'est juste... un écho.

Je fourre une portion d’œufs entre mes lèvres. J'ai probablement l'air d'un animal, à bouffer comme un affamé, mais pour ma défense, je suis affamé. C'est fou comme le temps est long lorsqu'on ne mange pas. Et si je ne suis pas du genre glouton, à bouffer n'importe quoi n'importe quand, je mange quand même de quoi tenir bon. Je suppose que la quantité ici n'est pas le problème. C'est juste l'attitude, comme si ça allait disparaitre dans la seconde.

Irina vient enfin s'installer avec moi et je coince un peu de bacon entre mes dents. Que la nourriture m'a manqué... - Quoi? - Lâché-je en tournant la tête vers Irina. Rien? Bizarre. Je me redresse, réalisant m'être particulièrement voûté sur mon assiette. J'ai beau ne pas être le plus éduqué des hommes, lui présenté autre chose que mon crâne est tout de même un minimum. "Bacon" dis-tu? Nous n'avions pas ce met, à l'époque. J'aime beaucoup. Mon regard se tourne vers la télévision, éteinte. Vers l'escalier, désert. Vers la fenêtre, mais personne n'est dehors.

Ma précédente hôte était vegan, et une obtuse, en plus. Pas que je sois du genre à juger... Un rire s'élève. Un rire lent, sarcastique, qui semble venir de partout à la fois. Au point que je lève à nouveau la tête pour regarder autour de moi. Tu ne verras rien, je suis dans ton esprit. Ma posture figée, je fixe mon couteau. Deviens-je fou? Était-ce ça, cette maladie? Un virus? Est-ce que je souffre de séquelles? Tu n'es pas fou, humain. Ou en tout cas, pas que je puisse en juger. Les couverts m'échappent des mains. Ils percutent table et assiette dans un son difficile à ignorer. Respire, ça va bien se passer. Tu n'es pas mon premier. Il m'est rapidement apparu que, pour que les choses se passent au mieux, il te faut... - Ferme-la! - Crié-je presque en me levant d'un bond.