It's a beautiful mess || Feat. Ariel

J'ai hésité, longuement, avant de déterminer que le meilleur endroit pour réaliser ma petite expérimentation ne pouvait être que chez moi. Non pas que je tenais absolument à lui faire poser le pied dans ma demeure, mais s'il y a bien un endroit en cette ville qui est verge de tous mes méfaits c'est celui-ci. N'étant assurément pas stupide au point de conserver des toiles en cours ou achevées là où n'importe qui pourrait fouiller. Pas que je sois adepte d'inviter des gens chez moi en général, mais il vaut mieux prévenir que subir. Surtout lorsque subir implique beaucoup de soucis dans mon cas, c'est-à-dire des années de prisons. Ce serait dommage tout de même qu'un si brillant avenir de faussaire se termine derrière les barreaux d'une cellule poisseuse en compagnie d'un compagnon de cellule ayant un besoin constant d'asseoir son autorité. Les joies de l'incarcération, si je me fie à ce que certains de mes contacts m'ont dit. Soit suffisamment de personnes pour avoir fait de moi une personne prudente à l'excès afin de ne pas m'empêtrer dans les erreurs ayant été les leurs. Du moins, la majorité du temps. Ce projet, cette envie de voir ces mains, ce talent, glisser contre une toile vierge afin de l'animer... En rien ce n'est prudent, en rien du tout, mais j'ai si rarement vu tant de talent en un être que je n'ai pas pu m'en empêcher. Je n'ai pu m'empêcher d'entrevoir en lui l'avenir qu'on a vu pour moi jadis, même si ça je me refuse à lui avouer. À personne je ne souhaiterais la vie qui est la mienne et pourtant... Pourtant je me laisse annihiler par ce besoin viscérale et malsain m'ayant poussé à lui demander de venir chez moi après ses cours du mercredi. Une seule fois par semaine, c'est ce qu'il a demandé, un seul soir est donc ce que je lui ai proposé. Sachant trop bien l'image que tout ceci peut donner. Un enseignant demandant à son élève de venir chez lui après les cours... Raison pour laquelle je me suis appliqué outre mesure à préparer un environnement ne pouvant laisser planer aucun doute sur mes intentions, c'est-à-dire peindre ou plutôt le laisser peindre pendant que mes yeux se saoulent de cette beauté... qu'il apposera contre la toile.

Mon appartement, exemple même d'ordre et de propreté, est formé d'un premier niveau sur lequel se trouve salon, cuisine et salle de bain ainsi que d'un demi palier auquel on accède d'un escalier au salon. Palier où se trouve mon lit ainsi que mon espace bureau. Rien de bien exubérant compte tenu de la petite superficie totale de l'endroit et du stricte minimum d'effets personnels s'y trouvant. Un canapé, un lit, une table à manger, une commode et un bureau sur fond de murs blancs où ne sont accrochées que quelques toiles abstraites. Rien que je n'ai personnellement réalisé pour ne pas, encore une fois, attirer une quelconque forme de soupçon sur les compétences que je possède réellement. Tout n'est que prudence. Profitant du peu de temps en ma possession avant l'heure convenue pour la rencontre, je déplacer le canapé du salon contre le mur afin de libérer un large espace au sol pour y apposer des feuilles dans le but de protéger le plancher. Sur ces dernières, je place quelques petites toiles ainsi que tout le nécessaire à peinture pour la réalisation de ce projet bidon. Ceci fait, je me déplace dans la cuisine pour remonter les manches de ma chemise et me faire couler un café à défaut de me permettre mon éternel verre de Whisky pour noyer l'ennui. Ce serait bien le summum de sentir l'alcool, le café suffira.

- Pourquoi te donnes-tu tant de mal pour lui humain? - Et bien sûr il y a ça aussi. Ça étant la raison pour laquelle je ne me suis pas présenté à l'école durant près de deux semaines avant de finalement daigner y retourner. Qu'aurais-je pu faire d'autre alors qu'une panique profonde me vrillait les veines? Non seulement en raison de ce virulent virus s'étant épris de moi, mais également de cette voix violant l'intimité de mon esprit lorsque les symptômes se furent enfin dissipés. Il m'aurait dit être Dieu et sans doute aurais-je levé les mains au ciel en signe de consternation tout en me maudissant d'avoir en quelque sorte partiellement renié les dogmes si durement enseignés par mes parents. Il m'a plutôt dit être Thor, dieu nordique de la foudre. Il y avait de quoi se poser de sérieuses questions et surtout songer à se faire interner soi-même. Ce que j'ai n'ai heureusement pas fait, préférant discuter avec cette chose au terme de quelques jours comme s'il s'agissait de la chose la plus normale au monde. Est-ce que je me sens davantage bien avec toute cette situation? Assurément que non, mais quel autre choix ai-je sinon celui de me faire médicamenter et soigner pour un mal qui ne semble en rien être le fruit de mon esprit tourmenté? « Attend de voir, tu comprendras... »