Un petit sourire? • Feat. Roxanne

Un enfant je le suis sur plus d'un point et je ne m'en cache même plus. Pourquoi donc alors que je m'assume entièrement dans mon immaturité ponctuelle? Ponctuel je le suis par contre et pas uniquement en ma maturité sporadique. S'il y a bien une chose que je déteste c'est le retard. Sans doute parce qu'à construire une certaine appréhension de quelque chose en sautillant comme un gamin dans une boutique de bonbons, l'effet n'est plus le même à partir du moment où l'heure fatidique est passée. La pression retombe et l'ennui devient de la partie. Enfin, hors boulot. Pour le boulot c'est plutôt le début d'un mauvais film d'action dont je suis le zéro plus que le héro avec cette poussée d'adrénaline monstrueuse qui me fait presque me casser la figure. Vive les patins à roulettes. Super pratique pour les grandes balades près des flots, beaucoup moins lorsqu'on nous offre un contrat d'un jour à l'autre bout de la ville dans quinze minutes. Et j'ai dit oui. Heureusement, le hasard a bien fait les choses et j'avais mon appareil photo avec moi, profitant du beau temps pour essayer de m'améliorer un peu. C'est pas gagné, dit celui qui va prendre en photo une mannequin semble-t-il renommée. On suppose tous que ça va bien se passer. C'est cette prétendue épidémie qui n'en fini plus qui a encore frappée à ce qu'on m'a dit, cloitrant au lit le photographe qu'ils avaient trouvé qui est une vieille connaissance à moi. Mon nom est sorti, ils sont désespérés, je vais essayer de les sauver. En sueur et vêtements de sports plus que mes vêtements habituels, mais ça devra le faire. Je suis un artiste, j'ai bien le droit non?

C'est avec vingt minutes de retard que je suis finalement arrivé dans le petit studio, me confondant en excuses tout en essayant de reprendre mon souffle. Posant mes choses, retirant mes patins, je suis allé dans la salle de bain pour me rafraîchir un peu avant de revenir vers le studio pour préparer mon appareil photo tandis que l'équipe s'occupait de la mannequin. Suffit de bien faire les choses et peut-être que ça m'ouvrira de nouvelles portes qui sait. Pas que je tienne à quitter mon emploi, pour une fois, mais la photographie m'aide justement à calmer mes ardeurs et besoins si constants de changement. Je vieillis après tout et, grand enfant ou non, il me faudra bien l'accepter à un moment. Il me faudra trouver un minimum de stabilité avant que je ne doive me faire à l'évidence que je n'aurai plus l'âge de faire quoi que ce soit. Papy barman ce sera déjà limite, papy danseur n'en parlons pas, alors il me faudra bien un plan B même si j'ai suffisamment en banque pour profiter de mes vieux jours. Je ne pourrai pas simplement resté assis sur une chaise à pioncer et ne rien faire de plus.

« Bien, désolé encore pour le retard. Êtes-vous prête à commencer gente dame? » Demandais-je en posant enfin les yeux sur la mannequin… qui me dit vaguement quelque chose. Pas que je sois très fervent des magazines de mode en général, mais il me semble tout de même l'avoir vu quelque part. Est-ce considéré comme une insulte de demander à une mannequin si on l'a déjà croisé auparavant?  « Je me nomme Jack et serai votre humble serviteur pour cette séance. Dite-moi si quelque chose vous dérange ou vous met mal à l'aise. » C'est bien le minimum après tout.

Ma mémoire n'était pas forcément ma plus grande force dans la vie, je l'admets sans peine. Je n'ai pas redoublé des années de cours et décidé de finalement lâché tout ça pour m'en sortir par mes propres moyens sans raison. Je ne suis pas doué pour retenir des choses. Enfin, pas doué pour retenir ce que je ne trouve pas important. La taille des lentilles de mon appareil, les recettes d'une infinité de cocktails et au minimum quelques numéros de téléphone ce n'est pas un soucis. Me demander par contre de retenir le nom de la personne qui fonda la ville de Chicago en je ne sais quelle année, sachant pertinemment que ça ne me servira pas dans la vie, c'est autre chose. Alors me demander de me souvenir où j'ai pu apercevoir cette charmante dame aux traits pourtant si peu usuels, même en ayant son prénom, c'est sérieusement trop me demander. Il a fallût qu'elle mentionne 'le petit gamin de Londres' pour que je me souvienne enfin de la raison pour laquelle elle me semblait si familière. La similarité de nos noms m'ayant à ce moment marqué plus que toute chose. « Hey bien, ça fait longtemps! » Que je lance tout sourire face à celle qui fût un jour ma baby-sitter. Oh oui ça remonte à bien loin tout ceci. Je ne suis surtout plus si petit que j'ai pu l'être, mais maintenant je comprends mieux cette impression de déjà vu lorsque j'ai posé les yeux sur elle. Il faut dire que même à cette époque, je commençais à avoir un certain doute de mes préférences alors je n'ai jamais été de ceux à s'enticher de la baby-sitter. Plutôt zieuter subtilement sur le voisin lorsque nous allions jouer dehors. Ah c'était le bon temps. « Je ne suis plus si petit depuis. » Que je blague en m'approchant avec mon appareil. « Et tu es toute en beauté de ton côté. C'est un métier qui te va à ravir. »

Voyant les autres personnes présentes commencer à s'impatienter, je me place en position en me raclant la gorge. Admirant la prestance de mon ancienne connaissance et surtout sa faciliter à passer du sourire à la pose sérieuse sans que je n'aie eu à dire quoi que ce soit. Ce que je peux faire débutant dans tout ça. Observant la scène avec un peu de recul, je cherche la meilleure façon de mettre en valeur ce vêtement qu'elle porte. Faisant signe de déplacer un peu la lumière, je décide de prendre quelques clichés vu d'en bas dans le lot pour varier les choix finaux. « Tu peux... prendre une pose comme si tu marchais? Ou juste marcher sinon, ça le fait aussi. » C'est d'un inconfort tout de même tout ça, autant pour moi que pour elle j'ose le croire. C'est qu'il faut avoir la forme pour arriver à tenir des positions sans bouger, chose que j'ai heureusement. Je suis en tout point plus en forme que la brindille que j'ai pu être par le passé, trouvant où je le pouvais des façons de me vider l'esprit pour arriver à rester focus dans mes choses. Ce que le patin à roulettes aurait sans doute pu permettre d'arriver à faire si je n'avais pas été si stressé par le retard qui me presse toujours en cet instant. Pas du tout que j'ai la pression.

Ayant vidé un premier film, je me relève pour aller en chercher un nouveau et le remplacer. « Alors, outre le mannequinat, qu'est-ce que tu deviens? Tu n'es certainement plus une baby-sitter à temps plein. » Et si elle me sort qu'elle est célèbre sur plus d'un point je vais surtout me sentir très con. Elle je ne peux pas la blâmer à mon égard, bien que je ne sais pas comment je dois prendre qu'elle se soit souvenue de l'enfant turbulent que j'ai pu être.

Sa propre station de radio, du mannequinat, des défilés... Hey bien, il faut croire que l'un de nous deux aura finalement réussi à atteindre la célébrité et ce n'était pas moi. Comment est-ce que ça aurait pu être le cas de toute façon vu le cheminement de vie que j'avais décidé d'emprunter dès mon plus jeune âge? Comme si la vie m'avait lancé dans un bassin d'eau glacée en me disant 'bah voilà, maintenant apprend à nager comme un grand'. Puisque malgré le stupide si constant de mon attitude et l'attitude que j'ai pu avoir en général, la chose restera toujours l'impression que j'aurai de la vie. Un grand bassin plein de dangers dans lequel on lance de pauvres gamins sans défenses qui doivent apprendre à se débrouiller. La pression de l'aîné qui m'es tombé sur les épaules sans que je ne sache la porter. Comme si à l'instant même où Ethan était arrivé, j'avais décidé que nope, je ne m'occuperais de personne d'autre que moi-même jusqu'à ce que se termine ma vie en ce monde. Alors quand les trois autres ont suivis... On voit comme ça m'a réussi de décider de me la jouer Peter Pan et obstinément refuser de vieillir. Célibataire à 38 ans, avec un emploi et un logement stable depuis à peine plus de quatre ans et préférant mater des animés le soir avant de me coucher qu'écouter les actualités comme la majorités des adultes doivent le faire. À ce rythme, le jour où je vais voir ma première ride je vais hurler, mais tout ceci je ne l'ai pas mentionné lorsqu'elle me demanda où j'en étais moi dans ma vie. Je me suis contenté de placer un nouveau films dans l'appareil, me sentant effectivement plus que con de ne pas l'avoir reconnu plus tôt compte tenu du niveau de célébrité qu'elle semble avoir atteint. Cherchant comment exprimer ce qu'il en était de ma vie et surtout la raison pour laquelle j'avais dû quitter Londres sans forcément étaler la totalité de ma vie privée devant tout ce beau monde. Non que je sois du genre gêné et restreint dans mes propos en général, mais je savais où placer mes limites entre le monde professionnel et le monde personnel. Toute chose n'était assurément pas bonne à mentionner à toute personne, vieille connaissance ou non.

« Je vois que tu te tiens bien occupée! C'est une excellente chose. » Souriant brièvement, je m'installe de nouveau pour prendre une nouvelle suite de clichés, lui indiquant quelques poses à prendre tout en continuant de lui parler. Après tout, je peux me le permettre puisque ce n'est pas moi qui me trouve devant l'appareil. « Et disons que des circonstances hors de mon contrôle ont un peu forcées notre arrivée ici. Je suis à Chicago depuis... près de vingt ans si ce n'est pas plus. Je commence à faire parti des vieux meubles de la ville. » Si on omet 'l'accent' qui ne m'a jamais quitté pour autant. Il faut dire qu'à être avec un britannique durant six ans suivant mon arrivée, il aurait été difficile de le perdre de toute façon. Puis, ce n'est pas comme si j'étais arrivé ici en solitaire. J'ai une famille entière pour me rappeler d'où je viens. Heureusement ou malheureusement, cela dépend des points de vue. « Nous pourrions aller prendre un café ensuite si tu veux, rattraper un peu le temps perdu. » Surtout ne pas le faire alors qu'un studio entier nous fixe en roulant des yeux comme si c'était là la pire distraction à laquelle ils avaient eu droit au cours de leur journée. C'est que les gens manquent de joie dans leur vie à l'occasion. « Enfin, si tu n'es pas trop prise par ton emploi du temps évidemment. » Ce qui n'est pas le cas de mon côté visiblement. « Je travaille seulement en soirée alors j'ai du temps de mon côté. Un petit boulot de barman dans un nightclub bien sympathique. » Et de danseur, mais passons. Pas que j'aie honte de la chose, mais ce n'est pas pour autant que je vais le hurler sur les toits. Ça me suffit à bien arrondir mes fins de mois et c'est l'essentiel. Je me lève pour prendre un plan de vue de dessus, un peu plus près, cherchant le bon angle tout en cherchant comment la faire se positionner. « Tu peux me faire un... visage... paisible? Un peu comme si tu dormais? »

Un fin rire nerveux s'échappa tout naturellement de mes lèvres lorsqu'elle mentionna qu'il serait bien de ressasser le passé, mais surtout cette époque où je n'étais pas suffisamment grand pour atteindre moi-même la majorité des choses dans la maison. Disons que ce n'est pas réellement à ces événements embarrassants que je faisais référence lorsque je prétendais vouloir rattraper un peu le temps perdu. D'autant plus que je ne sais que trop bien ne pas avoir été l'enfant modèle à surveiller pour la gardienne qu'elle a été à une époque si lointaine que je ne doute pas même avoir oublié certaines des anecdotes les plus croustillantes pouvant s'imposer à son esprit. J'étais désagréable et turbulent et le suis même encore à l'occasion pour tout dire. J'étais le pire cauchemar des oiseaux se posant paisiblement dans le jardin à courir dans leur direction en hurlant. Le pire cauchemar des voisins à faire des vocalises, la fenêtre ouverte, dès 6h du matin. J'étais une terreur là où je me suis heureusement assagit avec les années. On ne peut pas tout faire évoluer. Je refusais presque systématiquement de manger et étais d'ailleurs si maigre qu'en retenant mon souffle j'arrivais à donner une peur bleue à ma mère qui ne comprenais pas comment j'arrivais à enfoncer à ce point mon ventre dans mon petit torse chétif. Je me complaisais dans l'art de faire des grimaces devant le miroir et me faire des marques tribales avec le rouge à lèvres que je trouvais en fouillant dans ces tiroirs qui m'étaient interdits. Je m'excuse encore à ma mère pour tout ceci, maintenant que j'ai réalisé à quel point j'ai dû l'épuiser pour le reste de ses jours de part ma seule existence. 'Tu comprendras quand tu seras plus grand' n'a jamais eu autant de sens que maintenant et même si je sais qu'un fils modèle je ne le serai jamais à ses yeux, j'essaie de me rattraper à ma façon à l'occasion. Tout ça pour dire que rares étaient les situations en ma vie d'aujourd'hui où je ressentais une certaine nervosité et visiblement parler de mon passé de gamin en faisait parti. Ça m'apprendra à proposer un café à l'une des personnes pouvant potentiellement en avoir beaucoup à raconter à ce sujet. « Parfait alors. »

C'est ce que j'ai répondu avant de terminer de prendre les clichés de la séance pour contenter les impatients et ne pas non plus faire perdre trop de temps à Roxanne. Après tout, que je prenne une heure ou quatre pour réaliser mes clichés ne changera rien sur leur qualité et le fait que oui ou non on risque de me rappeler. Tant que l'objectif était atteint et fait selon les goûts de l'employeur, il n'y avait pas à se prendre la tête plus longtemps que nécessaire. Avisant que je devrais avoir tout ce dont j'ai besoin, je me dirige vers la personne me faisant signe au fond de la pièce et que j'imagine être en charge de la séance photo et avec qui je vois les derniers détails afin de savoir à qui faire parvenir les clichés. Notant le tout, je replace mes choses dans mon sac lorsque ma mannequin du jour vient me rejoindre en posant une bise sur ma joue. « Va pour la loge dans ce cas! » C'est qu'ils ont un don pour mettre les gens à l'aise dans ce domaine avec leur sérieux presque inébranlable. Je fais assurément tache avec ma bonne humeur que je croyais contagieuse et... ce n'est visiblement pas le cas autant que je le croyais. Terminant de ramasser mes choses, je suis donc ma gardienne d'enfance en direction de sa loge où je prends place assise là où je le peux. Me sentant presque mal d'envahir cette bulle qui est la sienne. « Alors... comment va la famille? » Que je demande tout naturellement, me disant que nos parents ont sans doute dû se connaître à un moment ou un autre. Du moins, je le suppose... Du moins elle a connu ma famille plus que je n'ai connu la sienne. « Ma mère sera sans doute heureuse d'avoir de tes nouvelles. Elle t'appréciait bien si mes souvenirs sont bons. »

Des enfants, voilà un sujet qui revenait assurément à un moment ou un autre avec de vieilles rencontres que je n'avais pas fait depuis un moment. Croisés à l'improviste comme en ce moment dans un lieu aléatoire ou même parfois au bar, tant de contacts de mon passé semblaient avoir trouvé de quoi caser leurs petites existences dans une routine familiale qui ne m'avait jamais réellement attiré, je dois bien l'admettre. Me voir avec des enfants était une chose que je peinais à imaginer, me sentant surtout bien trop gamin pour pouvoir moi-même en venir à en gérer. Imaginant sans peine comme je galèrerais à simplement calmer un bébé coincé au creux de mes bras, finissant cette quête sans fin mort de fatigue dans un coin de canapé à regretter cette époque où j'étais libre de simplement faire ce qu'il me plaisait sans devoir me soucier d'un autre être humain. On voyait comme ça m'avait réussi par le passé. Il y avais aussi forcément du fait que les femmes ne m'avaient jamais attiré et que sans cet élément clé, avoir un gamin devenait légèrement plus compliqué. Alors me lancer corps et âme dans cette aventure d'une complexité discutable simplement pour terminer ma course à me morfondre dans un coin parce que je me sentirais forcément d'une nullité magistrale à ne pas arriver à faire ci ou ça... Oh comme je les trouvais courageux ceux qui avaient décidés d'engendrer la vie en ce monde qui avait tant à offrir sans qu'on ne se sente l'obligation de s'enchaîner à un boulet pleurnichard nous empêchant de juste... vivre. « Ce sont de très jolis prénoms. » Que je réponds tout de même en esquissant un sourire pour répondre au sien avant de la voir se glisser derrière le paravent pour se changer, tripotant mon sac du bout des doigts simplement pour les occuper. Vieille habitude allant sans doute de paire avec le fait que j'ai sans cesse besoin de bouger ou faire quelque chose. Même les films calmement devant le canapé me semblent être une chose que je n'arrive pas à faire sans combiner le visionnement avec quelque chose d'autre pour m'occuper. Comme si j'avais peur de voir une quelconque forme de paresse m'aspirer tout entier.

Une mine triste efface mon sourire lorsqu'elle confirme qu'elle s'entendait bien avec ma mère, demandant de ses nouvelles au passage tout autant que sur Ethan et Emily. Forcément qu'elle ne savait pas que nous étions dans les environs, ma mère n'ayant pas forcément hurlé pour le simple plaisir de le faire que son mari était décédé pour la laisser seule avec cinq enfant et un grand crétin comme moi pour lui succéder dans la lignée. En période médiévale il y en a qui aurait essayé de m'assassiner depuis fort longtemps je n'en doute même pas. Courte vie au roi Jack et vivement qu'on lui trouve un remplaçant digne de ce nom. « Dans le coin depuis un bon moment même, mais tu ne pouvais pas savoir. Ma mère n'a jamais été très prompt à garder le contact avec qui que ce soit de toute façon. Elle est bien dans ses petites affaires. » Je me racle la gorge en l'observant retourner à sa coiffeuse pour terminer de se préparer. « Mon père est décédé il y a quelques années... Alors nous sommes venus vivre chez ma tante pour qu'elle ait un peu d'aide avec la fratrie. Seule avec le deuil et cinq enfants, ce n'était pas l'idéal. » Je m'efforce de sourire de nouveau avant de poursuivre. « Mais c'est loin maintenant tout ça. Nous avons tous bien grandis. Emily a développé son... petit caractère depuis et Ethan est... disons qu'il a trouvé une façon intéressante de faire bon usage de son trop plein d'énergie. Somme toute, tout le monde s'en sort bien à sa façon je crois. » Sommairement... « Tu as une préférence sur l'endroit pour boire ce café? »